Les échelles du Levant

On appelle ainsi, dans la Méditerranée, les places et ports soumis à la domination turque, où les nations chrétiennes ont des établissements de commerce et viennent trafiquer. S’il faut en croire certains érudits, le mot échelle, qui nous vient des Provençaux et des Italiens, aurait pour étymologie le turc iskelé, jetée ou débarcadère ; mais, ne semble-t-il pas bien plus naturel de le faire dériver tout simplement du provençal escale, échelle ? Faire escale ou échelle se dit encore, non-seulement dans la Méditerranée mais partout, de la course intermittente des navires marchands qui, touchant successivement aux diverses places échelonnées sur leur route, pour y relâcher ou y trafiquer, s’avancent ainsi par degrés vers le point extrême de leur destination ou procèdent de même au retour. Telle a, d’ailleurs, été longtemps la pratique générale des nations maritimes de l’Occident dans le commerce levantin, auquel le grand développement de la navigation à vapeur dans les parages orientaux tend même à rendre de plus eu plus ce caractère, en y multipliant les stations et les voyages. Les échelles principales sont aujourd’hui Constantinople, Trébizonde, dans la mer Noire, Salonique et Smyrne, la Canée et quelques autres ports insulaires dans les eaux de l’archipel ; parmi les échelles de Caramanie, au nord de l’île de Chypre, Satalie et Tarsous ; parmi les échelles de Syrie, Latakié et Alexandrette ou Iskanderoun, les deux ports d’Alep, Tripoli, Beyrouth et Saint-Jean d’Acre ; en Égypte, Alexandrie;  enfin, l’on comprend aussi quelquefois sous le nom collectif d’échelles barbaresques, les autres ports mahométans de l’Afrique septentrionale, tandis que les places de commerce de la côte occidentale du même continent sont généralement appelées comptoirs (Voy. ce mot).

Les paquebots de quatre grandes compagnies de navigation à vapeur desservent aujourd’hui les communications entre les diverses échelles du Levant. La Compagnie péninsulaire et orientale, qui a son siège en Angleterre, et la compagnie du Lloyd autrichien, établie à Trieste, s’étaient appliquées les premières à organiser des services réguliers dans ces parages ; elles ont trouvé depuis une rivale très-sérieuse, pour le Lloyd autrichien surtout, dans la compagnie française des Messageries impériales, qui y représente le commerce de Marseille. Enfin, toutes les trois voient aujourd’hui se former une concurrence nouvelle dans la Compagnie de navigation à vapeur russe de la mer Noire. Cette dernière société, qui est de fondation toute récente et qui a déjà réuni un matériel considérable, vient, à ce qu’il parait, d’établir également des agences dans les autres parties du Levant. Nous ne parlerons pas des bateaux à vapeur turcs, dont les services ont toujours été les moins satisfaisants, sous le rapport de la sécurité comme sous celui de la régularité.

Ch. VOGEL.
Dictionnaire universel théorique et pratique du commerce et de la navigation
, tome premier, Librairie de Guillaumin et Cie, Paris, 1859.

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