L’épicerie Heratchian frères par Katia Kermoal pour Le Daily Neuvième

Heratchian

De gauche à droite: Sezar, Karen, Sritharan et Georges

Heratchian frères, rue Lamartine, n’est pas une épicerie orientale comme les autres. C’est une institution. Sous la bienveillance de Georges et de sa femme Kalotina, les propriétaires, ce lieu unique à Paris voit défiler depuis quarante ans les familles de génération en génération.

Au 6 rue Lamartine, la façade de l’épicerie Heratchian Frères n’a pas changé depuis sa création, en 1925. L’intérieur non plus. Originaires de l’île grecque Kalymnos, Georges Kourounis et sa femme Kalotina, propriétaires des lieux, ont veillé à garder l’épicerie dans son jus. « Nous l’avons acheté en 1977 et n’avons rien transformé. Ici, on vend en vrac et le désordre est contrôlé », ironise Georges.

Pour lui, cette épicerie est un lieu chargé d’émotions. Pendant la guerre, il y venait en s’agrippant aux jupons de sa mère. « On allait chez l’Arménien, qui n’a jamais fermé, même pendant l’occupation », se souvient-il avec nostalgie.

Un jour de semaine, en début d’après-midi. L’ambiance est calme. Les clients ont tout le temps de se laisser porter par les senteurs de l’Orient et la multitude de produits qui ornent les murs de bas en haut.

Georges est perché sur son haut tabouret près de la caisse. Il est en forme, son humeur est badine. Chaque cliente a droit à une petite douceur et un compliment. Certaines en rougissent. Kalotina s’affaire au fond de la boutique, aux cuisines. Sritharan Palu, le cuisinier, formé par la patronne, prépare des kourabies, ces gâteaux grecs recouverts de sucre blanc. Sezar Gokoglu, tempes grisonnantes et moustache conquérante, est vendeur depuis 32 ans. Il sert un client avec sérieux. Son français est parfait. Il a juste gardé une pointe d’accent qui trahit ses origines arméniennes.

Le vendeur Karen, le crâne lisse et le regard profond, est lui aussi un personnage. Il est originaire de Moscou. Toujours souriant, il a également un petit accent et sa voix est légèrement trainante. Il vous accueille avec un très respectueux et coquin « madame » qui rythme toutes ses phrases: « Ah, bonjour madame. Comment allez-vous madame ? Qu’est ce que je vous sers madame ? » Tout ce petit monde fait partie de la famille Kourounis et personne n’a l’air de se prendre au sérieux.

Georges ne compte plus les produits de son épicerie. Ici, on cultive l’abondance et la plupart proviennent du bassin méditerranéen, Italie, Tunisie, Yougoslavie, Liban, Égypte, Grèce. Le rayon traiteur est le fait d’armes de Kalotina. L’une des  spécialités de la maison sont les beureks. Ces feuilletés triangulaires à la féta, célèbre fromage grec, aux épinards ou à la viande, s’arrachent pour 1,60 euros pièce. « La meilleure féta est bien sûr grecque », affirme Georges. Et d’ajouter que parmi la vingtaine de variétés différentes, l’olive grecque de Kalamata est la « reine des olives ».

Dans ce joli bazar, en levant les yeux au plafond, on remarque des sacs suspendus remplis d’éponges naturelles comme on n’en voit plus. Explication ? Georges était vendeur d’éponges. Il a sillonné toute la France. Pour ce père de deux enfants, l’un des plus grands plaisirs est d’offrir à une maman qui est enceinte un petit mot avec une petite éponge de bébé.

Après 52 ans de mariage avec Kalotina, Georges considère cette épicerie comme leur histoire commune. « Je suis arrivé là où je suis grâce à ma femme qui est une femme intelligente et courageuse », dit-il. Difficile de rêver plus bel hommage.

Bonne nouvelle, l’épicerie est ouverte tout l’été. En revanche, selon Georges, la rentrée sera plus difficile par chaque bourse car les prix des denrées alimentaires vont singulièrement augmenter. On ne peut pas tout avoir.

Heratchian Frères, 6 rue Lamartine. 75009 Paris. Tél/01.48.78.19. Ouvert le lundi de 11 à 19 heures et du mardi au samedi de 8h30 à 19 heures.

 

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